Interview avec Jean-Louis Rodrigues
Entretien avec Jean-Louis Rodrigues, actuel Président d’EUROSIMA.
« Bien que la filière ait été affectée, je suis heureux de constater qu’il n’y a pas eu de situation catastrophique car nous avons été réactifs dès le début. On a mis en place une fabrication de 50000 masques pour nos entreprises, on a pu avoir des aides, on est allés chercher des aides pour les entreprises et avons participé aux Plans de Relance National & Régional. »
L’équipe de Spotyride a eu la chance de passer un moment avec Jean-Louis Rodrigues, un grand monsieur de l’industrie du Surf et l’actuel Président de l’EUROSIMA. Il nous a notamment parlé des défis de l’année passée et ceux à venir.
Portrait : Qui êtes-vous ?
Je m’appelle Jean-Louis Rodrigues et je suis président d’EUROSIMA depuis juin 2019. J’opère dans l’industrie du Surfwear depuis presque 30 ans et j’ai connu différents postes dans différentes entreprises.
Je suis d’origine portugaise et mes parents sont arrivés en France quand j’avais 11 ans. Ils se sont installés à Biarritz et ils ont eu des magasins qui vendaient du surfwear : des surfshops et d’autres types de magasins… J’ai toujours baigné dans ce milieu, c’était familial. Quand j’avais 15/16 ans, j’avais envie de deux choses : la première voyager et la deuxième, travailler dans le monde du sport, et si possible du surf.
J’ai commencé par des postes à responsabilité commerciale sur la partie vente multi-marques auprès de magasins techniques et aux Grands Comptes. Ensuite, j’ai œuvré à la mise en place de la partie Retail dans les entreprises au milieu des années 90, avec à l’époque l’ouverture de pas mal de magasins Quiksilver et sur la suite logique de la distribution tout ce qui touchait au e-commerce & digital. Depuis maintenant un peu plus de 20 ans, j’ai dirigé des grands groupes en tant que Directeur Général comme auprès de la marque O’Neill (Directeur Général Europe du Sud) puis Directeur Général du Groupe Billabong Europe. A l’issue de ma dernière expérience de Directeur Général Wholesale pour le groupe Boardriders et ce jusqu’en juin 2020, j’ai décidé de rendre à l’industrie ce qu’elle m’avait donné en devenant Président de l’EUROSIMA.
Aujourd’hui j’interviens au cœur du système pour essayer de prodiguer des conseils et animer cette organisation pour que la filière soit plus forte et plus écoutée par les institutions et à même de se projeter à dix, quinze ans.
« C’est pour moi une grande fierté car j’ai un très grand respect pour ce milieu. Je suis vraiment passionné. »
EUROSIMA : L’historique en quelques mots ?
EUROSIMA, dont la traduction est European Surf Industry Manufacturers Association, est une émanation d’une organisation originaire des Etats-Unis. Elle est établie sur plusieurs pays dont la France. Créée il y a bientôt 22 ans par les marques principales du surf, l’idée de départ était que des personnes ou des entreprises extrêmement individuelles définissent un certain nombre de sujets sur lesquels ils pouvaient s’unir. Ça a été le tout début des salons professionnels par exemple.
Au fil du temps, la réalité d’EUROSIMA s’est énormément développée. Nous avons travaillé sur différents sujets : Comment défendre l’industrie du surf ? Comment fait-on savoir à la presse qui nous sommes ? On a commencé à mettre en place un certain nombre de process pour faire savoir qui nous étions… Au milieu des années 90 en particulier, notre marché est devenu un phénomène de mode. Des croissances de chiffres d’affaires qui étaient incroyables, des structures d’entreprise qui doublaient tous les ans…
EUROSIMA : Comment marche la structure aujourd’hui ?
On est une association à but non lucratif dont 60% de notre budget vient du privé et 40% du public ce qui assez rare pour ce genre de structure.
Au sein de l’association on a des personnes qui ont des rôles très clairs et affirmés, c’est le bureau de l’association :
- Franck Laporte-Fauret qui est Directeur Éxécutif (Fonctionnement de l’association et partie administrative).
- Christophe Seiller qui est le Responsable Cluster (Partie liée aux institutions et aux centres de formation).
- Stéphanie Godin qui est la Responsable Communication et RH.
A cela s’ajoute le Conseil d’Administration où toutes les marques sont représentées avec une quinzaine de personnes qui se réunissent une fois par an. En anglais cela se nomme “un Board”.
Je suis un Président bénévole par les statuts. Tous les présidents depuis le départ ont été des personnes qui ont acté dans l’industrie du surf et qui sont imprégnées de ce que nous sommes. Ils doivent être crédibles par rapport à tout ce que cela peut et doit représenter.
Quand je suis devenu Président il y a deux ans, j’ai voulu qu’il y ait une représentativité de tous les types de sociétés : pas que les plus importantes mais aussi des startups et des personnes qui sont sur d’autres métiers que le surf (skate, bodyboard, vélo électrique…). Dans ce groupe élargi d’administrateurs tous les sports et toutes les tailles d’entreprises sont représentés.
EUROSIMA : Comment aidez-vous les structures aujourd’hui
Notamment avec la crise sanitaire du Covid-19 ?
Le monde du surf en Nouvelle-Aquitaine représente près de 4000 emplois pour un chiffre d’affaires (généré depuis la Nouvelle-Aquitaine) de 1,8 milliard €. De ce fait, on est identifiés comme une filière du territoire extrêmement importante économiquement parlant. On travaille énormément sur des sujets en correspondance avec les fédérations française et internationale de surf, mais pas seulement, tout ce qui est sports nautiques nous sommes en légitimité d’y donner de l’importance. On se doit de porter au plus haut ce que nous sommes.
Tout s’est accéléré avec le Covid-19 depuis l’année dernière puisque du jour au lendemain tout a été fermé. On s’est retrouvés avec énormément de demandes diverses et variées qui allaient de « est-ce que l’on peut avoir des masques ? » à « j’ai une petite entreprise que je viens de créer, nous sommes deux salariés, comment je peux faire pour survivre ? »
On a été extrêmement sollicités à tous les niveaux. Et je suis fier de dire que l’équipe a répondu 24/7 pour aider les entreprises à faire face à cette situation. Bien que la filière ait été affectée, je suis heureux de constater qu’il n’y a pas eu de situation catastrophique car nous avons été réactifs dès le début. On a mis en place une fabrication de 50000 masques pour nos entreprises, on a pu avoir des aides, on est allés chercher des aides pour les entreprises et avons participé aux Plans de Relance National & Régional.
Nous avons aussi réfléchi à l’après Covid-19 : Qu’est-ce qu’on a à faire et qu’est-ce qu’on doit faire ? Un des axes par exemple, c’est l’accélération de la digitalisation de toutes nos entreprises, vous pouvez imaginer que pour des startups qui venaient de démarrer il y a deux ans, ce n’était pas forcément leur priorité, mais par la réalité de la situation vécue (tous les magasins fermés) c’est devenu un axe majeur.
Très récemment, à la fin de l’année dernière, j’étais dans des sessions avec des ministres pour expliquer le bienfait des réouvertures de nos plages. Ça n’a pas été un exercice facile puisque le Ministre de l’Intérieur ne souhaitait pas rouvrir les côtes ; il avait peur qu’il y ait une invasion de personnes et que cela créé des clusters. On a construit un argumentaire solide et mis en place un protocole sanitaire et on a réussi à convaincre les institutionnels de rouvrir des plages. De cette expérience, on a signé un partenariat de deux ans avec l’Union Sport et Cycle dans laquelle je siège au Conseil d’Administration. Notre filière est maintenant représentée au plus haut niveau du sport en France et nous allons créer une Commission à Paris qui s’appellera “Sports de Glisse et Sports de Nature” pour défendre nos intérêts. Énormément de sujets sont traités notamment l’évolution des lois, l’économie circulaire ou encore la RSE.
On travaille beaucoup avec les régions et on organise aussi des événements tout au long de l’année pour l’industrie, comme par exemple le Forum de l’Emploi et le Surf Summit, parmi tant d’autres.
Les Événements d’EUROSIMA
Forum de l’Emploi
Le Forum des Métiers de la Glisse a lieu à Hossegor à la fin du premier trimestre de l’année. Il rassemble près 400 jeunes qui sortent de l’école et que l’on met en relation avec les entreprises de la glisse. Les responsables des Ressources Humaines des entreprises sont présents et ça débouche très souvent sur des emplois. On l’organise avec le soutien de Pôle Emploi et des institutions, comme la Région Nouvelle-Aquitaine, MACS ou la Mairie d’Hossegor.
Surf Summit
En octobre, on organise le Surf Summit pendant la compétition de surf du Pro France. C’est vraiment le rassemblement annuel, où vous avez des riders, des institutions, des entreprises et leurs salariés. Sur deux jours vous assistez à des séminaires avec toujours des personnalités, soit un champion du monde qui a marqué nos sports et qui fait part de son expérience, soit un ex-champion du monde ou de très haut niveau, qui explique sa reconversion […] On a aussi des sujets qui sont en relation avec l’entreprise, qui peuvent être par exemple : “Comment motiver des équipes ?”
C’est pendant le Pro France donc ça a un côté sympa, le soir il y a des soirées qui sont organisées, avec très souvent les riders qui sont dans le coin.
En 2020, on est passé en digital et on a remplacé ces deux jours par 5 sessions en visio entre septembre et décembre. On a eu des sessions animées sur différents sujets avec différents intervenants avec beaucoup de gens connectés. Alors ça n’a pas le côté sympathique du présentiel mais on ne voulait pas être en rupture avec ce que nous organisons d’habitude. Ça, ça fait vraiment partie de qu’est-ce que l’industrie ? De quoi a-t-on a besoin, comment on évolue …
Jeux Olympiques de Tokyo
Nous avons été impliqués de manière différente sur Tokyo et sur les jeux de Paris. Pour Tokyo, comme c’est la première fois qu’il va y avoir du surf aux Jeux Olympiques, on a été impliqués sur les recherches d’équipements et des marques avec la Fédération Française de Surf, parce qu’on partage les mêmes bureaux.
Pour équiper les riders et rideuses qui défendent la France. Donc on est évidemment en connexion avec l’organisation et on est très attentif sur ce qui va se passer. Parce qu’évidemment, ça aura de l’impact sur les jeux d’après en 2024 en France.